Dans la « Ballade de seigneurs du temps jadis »,
Villon hisse sur le même socle que l’empereur
Charlemagne (rendu célèbre par « La Chanson de Roland ») des seigneurs, des chevaliers contemporains (ou
appartenant à quelques générations précédentes à la sienne comme Du Guesclin
« Clacquin le bon breton »).
On aurait tort de ne voir dans cette ballade qu’une parade, un
défilé de paladins mythiques.
En effet ce poème avec « La Ballade des dames du temps
jadis » et « L’autre Ballade (en vieux langage françois) »,
forme une sorte de triptyque
Et ces trois textes ne parlent que d’une chose : Le temps qui
passe et qui ne reviendra plus avec au bout, la camarde.
Voilà bien ce qu’il faut entendre dans le vers qui revient en refrain : « Mais où
est le preux Charlemagne ? »…
Il est avec tous les autres. Il est cané.
Et l’envoi de « La Ballade en vieux langage Françoys »
ne dit pas autre chose.
« Prince, à mort sont tous destinés
Et tous autres qui sont vivants
S’ils en sont courcés n’atinés
(Que ça leur plaise ou pas)
Autant en emporte le vent ! »
Et revoilà la danse macabre !…
Princes, papes, bourgeois, rufians… tous sont embarqués sur la
même nef.
Et elle vogue vers le Styx.
Les princes, les grands seigneurs, Villon les côtoiera.
Les plus marquants seront René d’Anjou, « le roi René »
car son titre honorifique est « Roi de Naples, de Sicile et de
Jérusalem » et Charles d’Orléans, un autre poète !
Chez René d’Anjou, rimeur à ses (riches) heures, peintre et sans
doute danseur, François assistera à une comédie qui préfigurera les minauderies
champêtres de Marie-Antoinette dans sa bergerie du Petit Trianon.
C’est qu’à partir de 1400 les intellectuels et les grands
seigneurs, rousseauistes avant l’heure, célébrèrent les bienfaits et la pureté
des plaisirs agrestes, les joies simples et rustiques des campagnards.
Christine de Pisan écrira quelques poèmes du genre.
L’évêque, Philippe de Vitry créera le personnage de « Franc
Gontier ».
Un gars tout ce qu’il y a de recommandable, franc du col, honnête,
droit, aimable, fidèle, sobre et toujours prêt à pique-niquer sous les ramures
avec sa compagne, la doulce Hélène.
Il annonce le Jacques bonhomme qui désignera le paysan dans
l’imaginaire aristocratique.
Villon est sans doute allé à Angers, peut-être a t-il un temps
goûté les fantaisies de « roi » René. Celui-ci avait transformé sa
cour en pays de Candy.
Les moutons y étaient parfumés, les canards enrubannés et il
faisait gambader sur les gazons bénits de jeunes et gracieuses donzelles dont la nudité était à peine cachée par leurs fins voilages
tandis que de petits joueurs de flûtiaux pipeautaient des aubades.
On ignore pourquoi Villon ne s’est pas attardé en ces lieux
enchanteurs, un genre de Disney land…
Peut-être que le fait de voir toute cette assemblée de nantis
préférer l’eau claire au vin dont regorgeaient leurs caves, et le pain bis au
faisan à la royale qu’ils s’empressaient d’engloutir quand ils en avaient marre
de singer les pauvres ; peut-être que tout cela l’a gonflé et qu’il a
décidé de retourner dans la vraie vie.
C’est que les folies des princes étaient sans limites.
On raconte qu’aux noces de Charles Le Téméraire, on présenta une
baleine ( ! ) d’où sortirent des maîtres queux portant les plats qui
composaient le festin.
Teulé écrit dans
« Je, François Villon » qu’on servait des tourtes qui lorsqu’on en
soulevait le « chapeau », libéraient des oiseaux qui
s’envolaient en piaillant après avoir copieusement chié dans le pâté.
C’est chouette d’avoir des couilles en or, de ne s’être donné la
peine que de naître, de poser son cul sur un trône en invoquant le droit divin.
Indiscutable !
C’est rassurant de vivre des rentes que procurent dîme, taille,
droit de banalité et champart.
Vous pensez s’il est confortable, alors, de jouer les p’tits
pauvres dans un solide château rempli de valets et d’échansons qui vous
verseront les meilleurs nectars quand d’aventure, vous vous lasserez de jouer
au péquenot.
Villon rapportera de cette escapade « exotique »
« Les contredits de Franc Gontier » où il pastiche Philippe de Vitry
et son « Dit de Franc Gontier ».
Il ponctuera les strophes de ce vers d’évidence :
« Il n’est trésor que de vivre à son aise ! »…
Plus tard, François se retrouve à la cour d’Orléans chez le duc
Charles.
On ne sait si notre rimeur bénéficia de lettres de recommandation
comme ce fut le cas pour pénétrer en la cour d’Angers.
Toujours est-il que ses vers figurent bel et bien dans un album
ayant appartenu à Charles d’Orléans.
Après avoir été fait
prisonnier à la bataille d’Azincourt, le prince poète, frère de Charles VI,
demeura captif dans la Tour de Londres pendant vingt-cinq longues années.
Revenu en France, Charles
vit que l’esprit chevaleresque avait disparu.
Le monde avait changé.
Il s’entoura d’amis, de
rimeurs et de livres qu’il n’abandonnait que pour jouer aux échecs, chasser ou
faire des promenades en bateau sur la Loire.
Mais ce qu’il préférait,
c’était composer des vers et goûter ceux d’autres poètes.
Il copiait ses rondeaux et
ballades dans un volume de parchemin et conviait volontiers les poètes,
visiteurs de passage à y laisser leurs productions.
Charles d’Orléans, les écoliers
le connaissaient encore il y a quelques années pour son Rondeau « Le
Printemps » que Michel Polnareff a mis en musique en 1968.
« Le
temps a laissé son manteau
De
vent, de froidure et de pluie
Et
s'est vêtu de broderie
De
soleil luisant, clair et beau".
Villon se lancera dans
différentes joutes poétiques initiées par le Prince.
Entre 1458 et 1460, il composera une ballade sur le thème de la
contradiction, « Je meurs de soif près de la fontaine ». C’était l’un des
sujets préférés des poètes qui aimaient ainsi à exprimer le dérèglement
psychologique dans lequel les avait plongés quelque dame de cœur dont ils
s’étaient épris et qui les avait éconduits.
Le poète parisien
connaissait bien la poésie courtoise puisqu’il avait composé en l’honneur de
Robert d’Estouteville, le prévôt de Paris, sans doute en relation avec
Guillaume de Villon, sa « Ballade pour un gentilhomme nouvellement
marié ».
On pouvait y lire en acrostiche le nom de la prévote : Ambroise de Loré.
On pouvait y lire en acrostiche le nom de la prévote : Ambroise de Loré.
Villon ne demeurera pas plus
à la cour de Blois qu’à celle d’Angers.
L’historien Pierre Champion
pense que François devait être en prison à Orléans quand la petite princesse
Marie fit son entrée solennelle dans la ville et qu’à cette occasion il aurait
écrit son « Epitre à Marie d’Orléans »…
L’incorrigible François
bénéficia donc de cette entrée et de la tradition qui voulait qu’on élargisse
les prisonniers de la cité.
Toute cette période est
assez brumeuse…
Villon séjourna peut-être
par deux fois chez le duc Charles… Rien n’est sûr.
C’est sans doute après ces
périodes « fastes » qu’il fréquenta les coquillards de près…une sorte
de séjour linguistique en somme, pour perfectionner son jargon ou
jobelin… !
Merci à ceux qui continuent
de nous aider sur http://fr.ulule.com/francois-villon/
Il ne reste que 25 jours pour rassembler la somme nécessaire à
l’enregistrement des 17 chansons…
Vous pouvez suivre l’évolution de l’opération et aussi trouver des extraits du livre, des
illustrations et des documents sur :
![]() |
Un extrait de « François Villon, corps à cœur » |
![]() |
Un extrait de « La
Légende Dorée »
dessinée par Olivier Le
Discot (éd Vents d’Ouest)
où le chef des coquillards, « Le grand Taupier »
énumère quelques impôts de
l’époque…
http://www.dailymotion.com/GLENATBD/video/x6zdpq_clip-legende-doree_fun |
![]() |
Charles d’Orléans recopiant le poème d’un hôte dans son album ( ? ) |
![]() |
La ballade pour Robert
d’Estouteville
et sa traduction en français
moderne.
On remarquera l’acrostiche
formant
le nom « Ambroise de
Loré »,
l’épouse
du prévôt de Paris. |
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