vendredi 7 octobre 2016

21 JOURS POUR FRANÇOIS VILLON… « Mort saisit sans exception. » (François Villon) « J’ mourrons ben sans qu’on nous tue. » (Gaston Couté)



« Mort saisit sans exception. » (Villon)
« J’ mourrons ben sans qu’on nous tue. » (Couté) 
Simplicité de Villon, fulgurance de Couté.
Tous les deux en une phrase, résument tout.
« Tout », c’est à dire ce qui nous mène de rien à rien.
Du néant au néant.
Et ça, ça fait vraiment chier !
Bon, je sais bien que l’humain s’est inventé toutes sortes de mythes, de croyances pour palier sa très compréhensible pétoche. Mais ça n’y change rien.
« Mort saisit sans exception ! »
Je sais aussi que les savants nous promettent pour demain un changement de civilisation dans laquelle cette longue dégradation qu’est la vieillesse -si bien évoquée par Villon dans « Les regrets de la belle heaumière »- ne sera plus qu’un souvenir comme la peste bubonique, les dinosaures ou les sept maladies que l’on attrape là-bas.
Je sais bien.
Sans doute, si des cons ne font pas sauter la planète, l’humanité connaîtra-t-elle une ère nouvelle encore inimaginable pour nos esprits pétris des siècles qui nous précédent.
J’entendais d’Ormesson dire hier qu’il pensait que dans quelques millénaires, le sexe et l’attrait qu’il suscite auraient disparu…. Peut-être… Effectivement, quand l’homme aura plusieurs siècles de mémoire personnelle immédiatement connectable, immédiatement efficiente, quand il aura vécu cinq fois, mille fois, ce que l’on peut éprouver en une vie du 21ème siècle vers quels plaisirs, quels voyages, sera-t-il tourné ?… A quoi s’occupera-t-il ?…
Quand il ne mourra plus et que les rites funéraires, les croyances ne concerneront plus que les archéologues, sociologues, historiens –y’en aura-t-il encore ?- quelle représentation du monde se fera le descendant high tech du lointain australopithèque ?…
Aura-t-il retrouvé Lucy in the sky with dia-amonds ? Jouera-t-il au golf spatio-temporel dans les trous noirs ?
Y’aura-t-il encore de la poésie ?… Pourquoi faire ?… Ou bien n’y aura-t-il que de la poésie ?…
Ferré disait à la fin de « Mister Georgina » :
«  La Musique !… En l'an 2000, plus de musique !
Et pourtant, c'était beau...
Jean Sébastien Bach ? Tu connais ? » 

Si je me voulais grinçant je dirais qu’il était prophétique…
Mais non, fort heureusement, la musique est bien vivante.
La chanson aussi même si des torrents de merde sont déversés chaque minute par les professionnels du fric.
Lavilliers, Michael Nyman, Bia, Lou Saintagne, Serge Utgé-Royo, Jean Guidoni, Juliette,Jean-Luc Debattice, Sarclo, Thiéfaine, Daraquy et des myriades d’autres vrais artistes résistent, là où ils sont, avec ce qu’ils font et avec ce qu’ils ont.
L’an 2000 évoqué par Ferré est une antithèse de celui qu’on imaginait avant l’an 2000, il y a 40…50…60 ans…
On le julevernisait à mort cet an 2000 !
On allait voir ce qu’on allait voir ! Des cités radieuses… des hélicos individuels pour aller pique-niquer en plein dans les végétations luxuriantes et nourrissantes et odoriférantes… et … et… Et nous voici encore, en 2016 à espérer un "âge d'or" avec l'amertume de se dire qu'on l'a peut-être déjà passé.

« Nous aurons bien sûr 
Dedans nos maisons blêmes 
Tous les becs d'azur 
Qui là-haut se promènent 
Mais notre âge alors 
Sera l'âge d'or »
(Léo Ferré « L’âge d’or »)

Je me souviens que Ferré à la fin de cette chanson, s’adressait au public en disant :
« … Ouais… Ben c’est pas demain la veille ! »

Comme je n’ai pas d’autre choix que d’être optimiste, je pense que l’ Homme se débrouillera avec son évolution comme il l’a toujours fait avec plus ou moins de cafouillages sanglants.
Peut-être même qu’il parviendra à éradiquer l’incommensurable connerie qui lui colle aux neurones depuis toujours…
Peut-être qu’il ne pensera plus qu’il est un type formidable parce qu’il a une piscine de plus que son voisin, une bagnole plus rutilante, une femme mieux liftée que la précédente.
Moi, j’aimerais bien qu’il en ait fini avec la misère, avec la préoccupation de maintenir son organisme en état de marche en ingérant des aliments qu’ils faut monnayer en gagnant sa vie à la perdre.
Le primate que je suis ne peut imaginer ce que seront les prochains millénaires… Normal.

Pour l’instant « Mort saisit sans exception ! » même quand on a l’idée de se faire cryogéniser comme Walt Disney… (Je crains que ses cellules aient quelque peu été endommagées et qu’il nous dessine Mickey beaucoup moins bien quand il ressuscitera.)
« Mort saisit sans exception ! » à quoi Couté ajoute quelques siècles après
« J’ mourrons ben sans qu’on nous tue. »
Si j’en juge par le nombre de tueurs, de pataugeurs en charniers, de bourreaux, de dictateurs et autres terrifiants abrutis qui ensanglantent la planète, le message n’est pas passé. Ça doit être à cause de l’accent beauceron… Le patois… tout ça… Hein… Ceux-là pensent que la Camarde est une petite joueuse, qu’elle a besoin d’un coup de pogne….

« Car, enfin, la Camarde est assez vigilante 
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux 
Plus de danse macabre autour des échafauds ! »
(Georges Brassens « Mourir pour des idées »)
Moi, tout ça m’étonne, me sidère.
Je m’ émerveille de marcher droit, je m’émerveille d’avoir des mouvements coordonnés, d’enchaîner des concepts dans ma vieille tronche, de pouvoir tricoter des mots pour en faire des chansons, d’imaginer des trucs et de pouvoir les réaliser…
Je m’émerveille de l’éraflure qui cicatrise, de mes pupilles qui s’adaptent aux variations de lumière… Marcher, courir, danser, aimer, imaginer… Merde !
Si c’est pas épatant ça ?…. !
Et ben, y’ a des tas de tarés que cette idée n’effleure même pas.
Et que j’ te bousille ! Et que j’ te flingue ! Et que j’ t’étripe !
Soit parce qu’ils sont vraiment tarés soit pour des raisons qui se volatiliseront un jour ou l’autre et dont personne n’aura plus rien à battre… un jour ou l’autre.
Le neurobiologiste Henri Laborit disait que la principale fonction d’un être c’est d’être.
Personnellement, je trouve que ça fait déjà bien de l’occupation.
Riton, regrettait que les gens ne sachent pas qu’ils sont des cerveaux, c’est-à-dire, des système nerveux sensibles à la gratification, au plaisir et à la douleur et à la frustration.
Mon père me faisait remarquer que le nourrisson avait plutôt tendance à chercher le sein de sa mère qu’à s’en détourner.
La vie ! Rien que la vie !
Mon père s’est pourtant accroché sous un hangar sinistre qui porte sur sa façade extérieure une immense pancarte de pub pour Intermarché.
Dérision. Lui qui comme artisan boulanger a toujours fustigé la grande distribution et sa concurrence déloyale…
Enfin… ça doit être notre nom qui veut ça… La malédiction des coquillards !…
Non, je déconne… ça m’évite de chialer.
Je me souviens qu’il m’avait dit au détour d’une conversation :
« Je ne serai jamais le vieux qui somnole en bout de table dans les repas de famille. »
J’étais loin d’imaginer qu’il partirait comme ça.
Je ressasse souvent ce passage d’une chanson de Leprest qui lui aussi, s’en est allé tournoyer au bal des pendus…

« …Machin, en écrasant les prix
A écrasé leur épic’rie
Machin, en entassant les sous
Etouffe les gens en dessous… »
(« Joséphine et Séraphin » Allain Leprest)

Les histoires de pendus, je les préfère chez Villon. Là, y’a un beau verni historique, une patine, une distance. C’est moins à vif, c’est un peu comme de descendre aux catacombes…

Ce vieux sacripant de Céline disait dans l’un de ses nombreux entretiens :
« La véritable inspiratrice, c’est la mort ! »
Y’a pas à y revenir. C’est plié.
Même si la gueule de la Muse est pas du tout baisante.

Donc au Moyen âge, pour inspirer ce genre de pensées au bon peuple, des danses macabres gambadaient un peu partout, dans les cimetières (comme celui des Innocents), dans les églises… Cette joyeuseté était là pour rappeler aux hommes qu’ils étaient tout à fait égaux face à la mort et qu’ils se montreraient bien inspirés de faire bien comme il faut leurs prières et de bien obéir à l’Eglise et à ses représentants, s’ils voulaient avoir une chance d’aller faire la bamboula avec saint-Pierre, ses copains auréolés, et retrouver leurs arrière-mémés (celles qui faisaient des confitures au glucose !)




Voilà le genre d’ambiance qui pouvait régner au cimetière de Innocents.
On pouvait danser entre les ossuaires et s’y livrer à toutes
sortes d’extravagances. A gauche sous les arcades, on aperçoit
la danse… macabre.

On peut considérer que toute l’œuvre de Villon est un chant, une danse macabre. Avec son côté grotesque, carnavalesque et somme toute, terrifiant.
C’est pourquoi, j’ai voulu développer ce thème dans « Tête-à-tête de Mort » qui figurera sur le CD si le financement participatif que nous avons initié avec Bruno Daraquy se trouve couronné de succès.

           « TÊTE-À-TÊTE DE MORT »
                                          (Joblin / Malto)

Ici, nous faut tomber l’habit de chair ;
Laisser là  et les muscles et la peau.
Qu’on soit seigneur ou petit clerc,
Riche ou pauvre, laid ou beau,
Par temps de paix par temps de guerre,
On attend que siffle la faux.

Et la camarde ricanante
Entraîne à contre-jour
Cette macabre sarabande
Sur le ciel rouge et lourd.

Quand nous serons en tête-à-tête,
En tête-à-tête de morts ;
Nous nous en irons faire la fête
Avec nos têt’s de morts.

Nous nous prendrons par les oss’lets.
Les bagu’s d’or des phalanges
Des plus illustres roitelets
Roul’-roul’ront dans la fange

Et la camarde ricanante
Entraîne à contre-jour
Cette macabre sarabande
Sur le ciel rouge et lourd.

Quand nous serons en tête-à-tête,
En tête-à-tête de morts ;
Nous nous en irons faire la fête
Avec nos têt’s de morts.

D’abord, au manteau de la Mort
C’est le pap’ qui s’accroche.
Sa mitre et sa chasuble d’or
Trembl’nt au son de la cloche.

Puis vienn’nt emp’reur et cardinal,
Roi, seigneur fol et riche
Que suiv’nt sans pompe ni fanal,
L’abbé, la fille, le chiche.

Et la camarde ricanante,
Entraîne à contre-jour
Cette macabre sarabande
Sur le ciel rouge et lourd.

Quand nous serons en tête-à-tête,
En tête-à-tête  de morts ;
Nous nous en irons faire la fête
Avec nos têt’s de morts.

Une enfant serrant sa poupée,
Sautill’ sans trop s’en faire.
Sa marell’ –à n’en pas douter-
Passera par l’Enfer.

Une vieille pourtant sourit,
Ravie, car ell’ sait bien
Que très bientôt, en paradis,
Ell’ rêvera sans fin.

Et l’âme du fou et celle du sage se mêlent et s’entremêlent.
La vierge à la putain donne la main.

Les Barrabas, les Charlemagne,
Les larrons et les grands d’Espagne,
Les empoisonnés, les empoisonneurs,
Les pestiférés et toutes les fleurs,
Les argentiers et les déshérités,
Les résignés, les entêtés,
Tous les dingu’s de la nef,
            Les soldats et leurs chefs,
            Tous les Arthur et les Cauvin,
            Les Hippocrate et les Gallien,
            Tous pourront vérifier cet axiome :
            La mort est l’avenir de l’homme. 


Trois « gracieux gallants » du temps présent !


Si le cœur vous en dit, vous pouvez y participer sur http://fr.ulule.com/francois-villon/

Un grand Merci à tous ceux qui nous ont aidés, nous aident et nous aideront !

Vous pouvez suivre l’évolution de l’opération et aussi trouver des extraits du livre, des illustrations et des documents sur :


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