« MES AMIS … »
Avec Claudine, avec
Sylvia, avec Manon, avec Dominique et ses amis de toujours, nous avons rendu un
dernier hommage à Sylvain Durand au crematorium du Père Lachaise. J’y ai lu le
texte ci-dessous :
Nous sommes beaucoup à savoir que même
si l’existence physique de Sylvain s’arrête ici, il continuera à nous
accompagner pour toujours. Nous
avons sa voix et sa musique en tête, ses intonations… son humour.
Sylvain est l’être le plus singulier et
le plus pluriel qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Pluriel, il l’était par ses multiples
surnoms : Dugland, La Duglande, le Dug, M’amour, Marcel Mozart,
Loulou… Pour moi, il est « Le Boulu » puisqu’il m’inspira le
personnage de frère Boulu, petit moine bibinictin vivant dans l’amour de Dieu
et… du gras de canard !
Frère Boulu cavale à toutes sandales et déconne à pleins tuyaux
d’orgue dans les pages de « La Légende Dorée », la BD que j’ai créée
avec Olivier Le Discot. Olivier créa ce moine très sympathique d’après la
dégaine et le visage de Sylvain.
D’ailleurs, Sylvain n’hésita pas à revêtir la robe de bure de frère
Boulu et à jouer la comédie lorsqu’il s’est agi de tourner un petit clip
annonçant la sortie de l’album. Pour
l’occasion nous créâmes ensemble « Dinngueu didinng dingue dong »,
l’hymne des moines bibinictins dans lequel on pouvait entendre ce
passage :
« …
Quand sous la direction de l'abbé Retzina
Vers le plus haut des cieux nous braillons « Hosanna ! »
Tous les saints restent sourds à nos invocations
On
leur casse l'auréole et les c'… Et là, Sylvain disait : (enfin, passons !)
Dinn'gue di-diding ding dinng
Dingue dong !
Dinn'gue di-diding ding dong
Dong dingue !
Dinn'gue di-ding din-ding di-gueu-ding dingue-dong !
Dinn'gue di-ding din-ding di-gueu-ding
dong-dingue !
Heureus'ment
qu'il y a dans notre confrérie
Le petit frèr' Boulu -mieux qu'un frère ; un ami !-
Car sous sa barbe drue sa tonsur' d'amidon
Le tendre moinillon cach' le plus beau des dons… »
Et le plus
beau des dons est sans doute d’avoir « l’oreille parfaite » comme il
l’avait, allié à un grand professionnalisme…
Pluriel, il
l’était de par ses compétences : formidable
pianiste, répétiteur, directeur musical et compositeur… Il permit à Lulu Borgia
de signer ses premiers albums qu’il dirigea de main de maître tout en racontant
mille blagues. Il faudrait un dictionnaire pour relater toutes les farces, tous
les canulars, toutes réparties de ce grand maître de la déconne. Des sous-sols de l’Opéra où il
nous entraîna pour un pique-nique surréaliste jusqu’à la coupole du vénérable
monument où je me retrouvais avec Lulu et lui pour répéter une chanson dont il
venait de composer la musique, les souvenirs sont innombrables.
Ainsi Sylvain pouvait-il passer avec la même
simplicité, le même détachement, du Palais Garnier à de modestes salles de
spectacle où il accompagnait des artistes très différents. On
pouvait aussi le voir torse-poil, en slip, plonger tel un phacochère dans un
trou d’eau à la Ferté-sous-Jouarre (« la Fierté sans jouir »
rigolait-il) et en ressortir pour nous faire rôtir une côte de bœuf avant
d’aller pianoter « La groupie du pianiste » ou « Il jouait du
piano debout »
Mais c’est pas tout… Mais c’est pas tout…
L’animal avait un savoir-faire manuel exceptionnel, excellent menuisier,
succulent plombier, il s’éclatait sur des chantiers auxquels participaient
Corbiche et plein d’autres copains…
Notre Sylvain, mon Boulu, va demeurer près de
nous.
Sa drôle de voix ne s’éteindra pas. Elle
continuera à nous distiller avec cette douceur et cette naïveté qui la
caractérisait un milliard de bonnes, grosses et somptueuses conneries. Ceux qui
ont côtoyé Sylvain n’ont aucun mal à imaginer et à entendre ce qu’il pourrait
dire dans telle ou telle situation de préférence officielle ou cérémoniale.
D’ailleurs, là, en ce moment, je l’entends qui
nous dit simplement :
« MES AMIIIIIIS ! »
Jean-Pierre Joblin, le 18 novembre 2023
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