LA CHRONIQUE DE MICHEL KEMPER SUR "NOS ENCHANTEURS"
Gaston Couté : la bédé qu’il vous faut acheter !
Ce n’est pas nous qui allons
passer sous silence un tel et si bel ouvrage. Nous qui, l’an passé, avons
inauguré la Collection NosEnchanteurs par ce poète-paysan, cet
anarchiste beauceron que fut Gaston Couté, avec une ribambelle d’interprètes
parmi lesquels Yves Jamait, Frédérique, Entre 2 Caisses, Laurent Berger, Bruno
Daraquy, Rémo Gary, Pic Panacée, Loïc Lantoine, Coko, Gérard Pierron et Gabriel
Yacoub… que du beau monde !
En cent-vingt ans, la chanson s’est enrichie de centaines de
milliers de titres, des millions peut-être, des artistes immenses ont chaviré
nos esprits, bouleversé les codes, imposé des esthétiques parfois hallucinées.
Mais, au bout du compte, venu le temps de l’estompe, de l’oubli, il en reste
peu. Et, parmi eux, Gaston Couté, l’immense Couté.
Jean-Pierre Joblin vient de transposer treize chansons de Couté en
bandes dessinées et c’est une réussite : le trait de Joblin est fin, un
peu à la manière de son confrère Servais (dont l’action de sa Tendre
Violette est contemporaine de Couté), aux décors détaillés,
documentés. Joblin suit, vers après vers, le déroulé des chansons, leur
dramaturgie, leur tendresse échangée, fût-ce dans un bordel, les conventions et
absurdités de ce monde où s’affrontent dominants et dominés. Les textes
patoisants sont respectés à la lettre : je vous recommande, ici comme ailleurs,
de les lire à haute-voix, pour en retrouver leur rusticité, leur authenticité,
leur poésie.
J’ai dit qu’il s’agit là d’un beau travail. Un peu moins sombre toutefois que les textes dont il est issu, encore que. Sur treize titres, c’est un judicieux panorama de la production de Couté, observateur de son temps et chroniqueur intemporel des travers, des tares congénitales de notre société.
Gaston Couté est le grand absent de toutes les anthologies de la
poésie, de tous les dictionnaires de la chanson : il est à la marge,
résolument, définitivement. Le livre de Joblin l’est tout autant, se passant
d’éditeurs qui ne le désiraient pas plus que ça. Autoédité, autodiffusé, ce
livre ne doit qu’au seul talent de son dessinateur-adaptateur. Et à Couté il va
de soi. C’est une raison de plus de l’acquérir et faire enfin la nique à des
éditeurs chez qui plus rien n’est désormais possible sinon de prédigéré, du
formaté.
En guise de postface, Joblin imagine les
témoignages de contemporains de Couté, parfois personnages de sa vie, de ses
poèmes. Convaincant. Le dessinateur met même en scène son copain-chanteur Bruno
Daraquy en internationaliste chantant dans un cabaret entouré de ses deux
filles accordéonistes, puis en gabier évadé à la une d’une gazette.
Car Joblin a la ferme intention de faire vivre cet album de bédé.
Et en premier lieu dans l’épicentre de Couté, son lieu de naissance, à
Meung-sur-Loire, ce 30 septembre 2023 (réservations La Fabrique 02 38 44 32
28), pour le spectacle A l’auberge de la route mis en scène par Magali Berruet, qui justement célèbre la
sortie de cette bédé.
Les amateurs de chansons connaissent l’auteur et illustrateur
Jean-Pierre Joblin au moins par ses dessins de la bio de Carmen Maria Vega et
ses deux livres sur François Villon (un autre est en préparation qui, comme le
Couté, prendra la forme d’une suite de bédés mettant en scène des textes). On
peut le connaître aussi comme parolier de Lou Saintagne, Lulu Borgia, Paris
Bossa et Bruno Daraquy. Après le Villon, s’attaquer à Couté est d’une rare
cohérence et témoigne d’un choix artistique et chansonnier résolu. Tel est
Joblin, dont le travail est, en plus du plaisir, d’utilité publique.
Joblin, Dans
les sillons de Gaston Couté, 64 pages, 20 euros. Pour
commander le livre et contacter Jean-Pierre Joblin, sa page facebook, c’est ici. Ce
que NosEnchanteurs a déjà dit de Joblin, c’est là. Pour
commander, on peut aussi envoyer un message à Joblin à drosera2@wanadoo.fr avec
l’intitulé « album Gaston Couté » : vous recevrez en retour un bon de
commande.
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